Silenus triumphans (1897), in horto Luxemburgi, Lutetiae Parisiorum.
Le Triomphe de Silène (1897), au Jardin du Luxembourg (Paris).
QVALIS HOMO SOCRATES FVERIT,
utrum vesanus an divinus an (vel etiam) primus inter philosophos ?
Socrate était-il un fou, un chaman, ou/et le premier des philosophes ?
- Résumé en français ci-dessous -
Equidem non sum auctor eorum trium adjectivorum quae bonum qui dicitur Socratem varie describant. Cum tertium sit plane commune communemque consensum exprimat, primum et secundum a quibusdam hominibus ingeniosis aevo moderno defensa sunt :
- In hac prima monstrosaque sententia ut Socrates homo vesanus fuerit erat medicus Francogallus s. XIX° ineunti nomine Ludovicus Franciscus [Louis Francisque] Lélut. Cujus argumenta in quodam sensu modernissima Jacobellus [Jackie] Pigeaud, vir historicus nostri temporis, in libris suis de medicina antiqua refert.
- Secundo quod Socrates homo divinus sive divinator fuerit, non solum multi et antiqui commentatores sed etiam recentiore aevo, phenomenologico quidem sensu, nonnulli docti putaverunt, e quibus primi fuerunt Hervinus [Erwin] Rohde ca. 1890 ac Carolus [Karl] Meuli a. 1935. Hi vero non in antiquam melancoliam virorum summo ingenio praeditorum illum famosum daemonem Socratis contulerunt, sed in mores et cultus sacerdotum orientalium qui « samani » (vulgo chamans) secundum linguam Turcicam appellati sunt.
Earum quidem utraque sententia videlicet primum omnium rationem et inclinationem temporis sui manifestiorem facit. Nihilominus singulares Platonis magistri mores rationem philosophicam ipsam hodie sicut tempore suo provocent nisi luminibus novissimarum artium ac doctrinarum (qualis psychologia et anthropologia et epistemologia) magnam partem intellegantur. Itaque gravissimos auctores ut E. Dodds (The Greeks and the Irrational, 1959), H. Joly (Le renversement platonicien, 1994) et F. Roustang (Le secret de Socrate, 2011) imprimis citando, nos vicissim ea patefacimus quae diu philosophi amiserunt hodieque amittant nisi teneant Socratem quodam sensu peculiari vesanum et divinum sive samanum et primum omnium philosophorum simul fuisse. Quod alia facta et praeterita et praesentia a nobis relata dignissimaque attentione etsi miranda sunt adtestantur. Cum certe talia communi figurationi naturae rerum repugnent, tamen ex eis ratione sumere licet ut rerum natura humanam imaginationem ipsam implicet, quasi mentis instrumentum facta sentiendi haud minus quam ficta creandi.
Résumé en français
Je ne suis pas l’auteur de ces trois adjectifs décrivant très diversement le bon Socrate, comme on dit. Tandis que le troisième est des plus communs, exprimant une opinion communément partagée, le premier et le second ont été défendus à l’époque moderne par des gens talentueux :
- La première thèse fort étrange selon laquelle Socrate aurait été un fou fut celle du médecin français Louis Francisque Lélut au début du XIXe siècle. Dans ses ouvrages sur la médecine antique, l’historien de notre temps Jackie Pigeaud rapporte les arguments en un sens très modernes de Lélut.
- Que Socrate fut un homme divin au sens de devin, c’est ce qu’ont pensé non seulement de nombreux commentateurs de l’Antiquité mais aussi, plus récemment, et dans un sens phénoménologique, quelques savants, dont les premiers furent Erwin Rohde vers 1890 et Karl Meuli en 1935. Ils n’imputaient pas le fameux démon de Socrate à l’antique mélancolie des hommes de génie mais aux mœurs et aux pratiques cultuelles de ces prêtres orientaux qu’on appelle chamans (un nom d’origine turque).
Il est évident que chacune de ces deux thèses met d’abord en évidence l’esprit de son époque. Cependant le comportement singulier du maître de Platon serait un défi pour la philosophie d’aujourd’hui comme elle le fut pour celle de son temps s’il n’était compris pour une bonne part à la lumière de sciences très récentes comme la psychologie, l’anthropologie et l’épistémologie. C’est pourquoi, tout en nous référant à des auteurs faisant autorité comme Eric Dodds (The Greeks and the Irrational, 1959), Henri Joly (Le renversement platonicien, 1994) et François Roustang (Le secret de Socrate, 2011), nous mettons à notre tour en évidence ce que la philosophie a longtemps perdu et perdrait encore si elle ne défendait pas l’idée que Socrate fut à la fois, en un sens particulier, un « fou », un « chaman » et le premier de tous les philosophes. Ce que confirment des faits passés et présents que nous rapportons et qui sont particulièrement dignes d’intérêt malgré leur étrangeté. Si de tels faits contredisent la représentation commune de la réalité, on peut cependant en tirer l'hypothèse rationnelle que la réalité implique l'imagination humaine elle-même, comme une fonction mentale de perception objective autant que de création subjective.
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